Variole du singe
Variole du singe ou monkeypox (Mpox)
Le virus de la variole du singe (abrévié MPXV, monkey pox virus) a été premièrement identifié en 1958 chez des singes dans un laboratoire danois, d’où son nom (Magnus et al. Pathol. Microbiol. Scand., 1959). Ce virus s’est manifesté sur les populations humaines lors d’épidémies dans divers pays africains depuis 1970. La République Démocratique du Congo semble être l’épicentre de ces épidémies (Nolen et al. Emerg Infect Dis 2016). Si plusieurs épidémies de faible ampleur apparente se sont succédées jusqu’en 2020, ce n’est qu’à partir de 2022 et en particulier au cours des deux dernières années (2023-24) que des autorités mondiales telles que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et les Centres Africains de Contrôle et de Prévention des Maladies (CDC Afrique) ont pour la première fois lancé une alarme de santé publique concernant la propagation rapide du Mpox dans divers pays africains, faisant craindre une épidémie à grande échelle ou même une pandémie, après l’annonce de deux premiers cas en Suède (15 août) et en Thaïlande (22 août 2024).
Cette annonce n'était pas inattendue, compte tenu des progrès rapides du virus sur le continent africain. Selon l’Institut Pasteur, (https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/mpox-anciennement-variole-du-singe), environ 90 000 cas auraient été enregistrés entre le 1er janvier 2022 et le 19 juin 2023, suggérant qu’aujourd’hui (en août 2024) ce nombre de cas est sous-évalué. Selon le CDC Afrique plus de 95 % des cas ont été signalés en République Démocratique du Congo, et au cours des dernières semaines dans des pays tels que le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi pour la première fois, selon l’OMS. La majorité de ces cas étaient du clade 1b, la variante la plus dangereuse du virus à l’heure actuelle. Pour l’heure, aucun cas de variole du singe de clade Ia ou Ib n’a été recensé en France.
Le virus
Le MPXV est un membre de la famille des Poxiviridae et du genre des Orthopoxvirus dont font également partie les virus de la variole humaine (smallpox), de la variole bovine (cowpox) et de la vaccine (Harapan et al. Viruses, 2022). Il s’agit d’un virus enveloppé à ADN double brin linéaire de 200 000 paires de nucléotides codant pour environ 200 protéines virales. En comparaison, le virus responsable de la COVID-19, le SARS-CoV-2, possède un génome viral d’ARN de 30 000 nucléotides. Comme l’immense majorité des virus, le MPXV possède plusieurs variants (différents les une des autres par leur séquence nucléotidique) dont les clades Ia, Ib, IIa et IIb sont les mieux connus.
Le virus monkeypox (MPXV). A. Micrographie électronique à transmission colorée négativement de la particule MPXV. B. Section fine de particules virales sur un échantillon de peau, montrant des virions matures ovoïdes à gauche et des virions immatures sphériques à droite. Origine des micrographies : Centers for Disease Control and Prevention (CDC). C. Représentation schématique de la structure du virion MPXV. Source: Harapan et al. Viruses 2022.
Le réservoir naturel du MPXV n’est pas le singe (qui comme l’homme en est une victime) mais des rongeurs des forêts équatoriales d’Afrique (rats, écureuils, loirs, etc.), dont on estime que ce virus est endémique. On admet aujourd’hui que la transmission se fait par contact direct avec ces animaux (morsures, griffures, consommation, contamination par les excréments ou urines) probablement par diverses voies d’entrée, cutané, buccale, et aérienne.
Les épidémies
La première épidémie mondiale qui a motivé des mesures d’alertes et de protection a été celle de 2020-2022. Elle s’est déclenchée en République Démocratique du Congo et était caractérisée par un virus de clade II. Cette épidémie est aujourd’hui toujours en cours mais opère à un niveau très réduit. Elle a été majoritairement propagée par contact sexuel entre homosexuels masculins. Son risque de mortalité est relativement faible et inférieur à 1% mais les atteintes notamment sexuelles peuvent être graves et invalidantes. Le risque est majoré chez les malades du SIDA/HIV dont les défenses immunitaires sont compromises, en particulier les malades présentant un taux de CD4 inférieur à 200 cellules par mm3 (Mitja et al. Lancet 2023).
L’épidémie qui prévaut aujourd’hui possède des caractéristiques très différentes et est attribuée au MPXV de clade 1b (Vakaniaki et al. Nature Medicine, 2024 ; Harris, JAMA, 2024). Plus de 50 % des cas signalés et une majorité des décès concernent des enfants de moins de 5 ans. La transmission se fait par contacts intimes familiaux, ou hétérosexuels. Comme dans le cas de l’épidémie de 2020-2022, les personnes immunodéprimées (SIDA/HIV, ou ayant bénéficié de transplantation d’organe) sont les plus sévèrement atteintes.
Le clade I de MPXV (anciennement connu sous le nom de clade du bassin du Congo) plus transmissible et plus virulent semble entraîner un risque de mortalité plus élevé que le clade II. Selon les estimations, le taux de mortalité du clade Ia (qui se transmet par les contacts avec les animaux réservoirs) se situerait entre 1 % et plus de 10 % mais ces chiffres pourraient être surestimés. En comparaison, le taux de mortalité du clade II (connu sous le nom de clade ouest-africain), se situerait entre 0,1 % et 4 % (Bunge et al. PLoS Negl. Trop. Dis. 2022). Le génome du clade Ib contient des mutations génétiques qui semblent avoir été induites par le système immunitaire humain, ce qui suggère qu’il est présent chez l’homme depuis un certain temps. Les génomes de la clade Ia présentent moins de ces mutations (Reardon, Nature 2024).
Les symptômes
Les symptômes sont ceux d’une forme atténuée de la variole humaine, avec dès le début une fièvre élevée, des maux de tête avec douleurs musculaires, une grande fatigue et souvent un gonflement important des ganglions lymphatiques (adénopathie). L’éruption apparait généralement au jour 2 sur les muqueuse buccales et génitales puis sur le reste du corps, de la face et des extrémités pendant 2 à 4 semaines. L’éruption évolue en plusieurs stades papules, vésicules, pustules (pus), jusqu’au dessèchement, croûtes et guérison. La maladie se manifeste également par des atteintes oculaires avec kératite (cellules de la cornée) et sclérite (cellules de la couche externe du globe oculaire) nécrosante. Enfin une revue récente (Schwartz, Viruses, 2024) rapporte que la maladie de clade I provoque un nombre important de fausses couches et de naissances prématurées avec un décès du fétus dans 50% des cas. Comme le virus de la variole, le MPXV peut passer de la mère au fétus et compromettre son développement et la naissance. Outre les signes cliniques les plus caractéristiques décrits ci-dessus, le diagnostic définitif est généralement confirmé en laboratoire par PCR sur écouvillon oropharyngé et sur écouvillon de pustule.
Les traitements
Il n’existe à ce jour aucun traitement de cette maladie.
Les traitements symptomatiques sont ceux utilisés contre les douleurs, la fièvre et les inflammations dues à l’éruption.
Antiviraux
Ces traitements sont destinés en priorité aux malades à risque sévère, c’est à dire aux personnes immunodéprimées ou porteuses d’eczéma, ainsi que dans les cas d’atteintes oculaires sévères.
- Tecovirimat
Dès 2018 le tecovirimat, un inhibiteur de la protéine VP37 impliquée dans la formation de l’enveloppe des virions (Grosenbach et al. NeW Engl J Med 2018 ; Harapan et al. Viruses, 2022), a été autorisé aux USA pour le traitement de la variole dans un contexte de précaution contre le bioterrorisme. En 2022, un essai clinique (PALM007) a été lancé en République Démocratique du Congo pour évaluer l’efficacité du tecovirimat sur 597 malades (adultes et enfants) infectés par la Mpox de clade I. Cette étude s’est avérée décevante, le niveau et l’évolution de la maladie dans le groupe traité étant identiques à celui du groupe placebo (https://www.nih.gov/news-events/news-releases/antiviral-tecovirimat-safe-did-not-improve-clade-i-mpox-resolution-democratic-republic-congo).
- Brincidofovir et cidofovir
Ces deux antiviraux ont été développés afin d’inhiber la réplication du génome de divers virus, cytomégalovirus, adénovirus, virus de la variole et virus Ebolala. Le cidofovir, un analogue de la cytosine (constituant du désoxynucléotide cytidine, C), inhibe la réplication virale en bloquant la synthèse de l'ADN par l'ADN polymérase virale (Xiong et al. Antimicrob. Agents Chemother. 1997). Pour l’heure, aucune de ces deux molécules n’est autorisée pour le traitement de la variole du singe. Des études précliniques menées in vitro et sur des animaux (souris et singe) suggèrent toutefois que le bencidofovir et cidofovir (un promédicament inactif qui est métabolisé en ciclofovir actif) sont actifs sur des orthopoxvirus. Leur efficacité et leur innocuité chez l’homme restent à démontrer.
Compte tenu de l’effet synergique du brincidofovir avec le tecovirimat et de l’approbation future de son utilisation pour le traitement des patients pédiatriques, le brincidofovir compléterait le tecovirimat afin de garantir une disponibilité robuste des produits thérapeutiques, notamment en présence du virus résistant au tecovirimat ou en cas d’urgence de variole (Quenelle et al. Antimicrob. Agents Chemother. 2007).
Vaccins antivarioliques
- MVA-BN (Modified Vaccinia Ankara, Bavarian Nordic)
Ce vaccin basé sur le virus atténué de la vaccine (un orthopoxvirus), est commercialisé en Europe sous le nom IMVANEX. Il contient un type de poxvirus qui ne peut pas se répliquer mais peut déclencher une réponse immunitaire. Il est administré en sous-cutané en 2 doses séparées de 28 jours. Ce vaccin a montré une efficacité de l’ordre de 70 à 80% dans le cadre de l’épidémie de 2022, c’est à dire celle du clade II, notamment chez des homosexuels hommes (Ghosn et al. Lancet 2024, étude française - sera en ligne en octobre 2024 - et Chiuppesi et al. Comm Medicine 2024). Son efficacité contre le clade Ia/Ib du virus n’est pour le moment pas connue mais elle devrait être significative (études en cours).
- LC16m8 est un vaccin contre le virus de la vaccine atténué
Ce vaccin qui a été développé au Japon initialement contre le virus de la variole humaine. Il contient une version vivante, mais affaiblie, d'une autre souche de poxvirus. Il a été testé avec succès contre la Mpox (Morino et al. NEJM Evidence, 2024).
- BNT (BioNTech) vaccin à ARNm
Le vaccin BNT166a (tétravalent), codant pour les antigènes A35, B6, M1, H3 du MPXV, et le vaccin trivalent BNT166c, sans H3) ont été développés par BioNtech Allemagne et USA) dans le but de créer un vaccin de nouvelle génération hautement immunogène, sûr, accessible et évolutif contre le MPXV et les orthopoxvirus apparentés.
Les deux vaccins ont induit des réponses robustes des lymphocytes T et des anticorps IgG chez la souris, y compris des anticorps neutralisants contre le MPXV et le virus de la vaccine. Dans les études de provocation (infections volontairement provoquées), le BNT166a et le BNT166c ont fourni une protection complète contre la vaccine, le clade I et le clade IIb du MPXV. De plus, l'immunisation avec BNT166a s'est avérée efficace à 100 % pour prévenir la mort et supprimer les lésions lors d'une infection mortelle par le clade I du virus chez le macaque cynomolgus (Zuiani et al. Cell, 2024). Ces résultats étayent l'évaluation clinique du BNT166, actuellement en cours (NCT05988203).
Conclusion
Bien que le variant de clade Ib du MPXV soit pour l’heure principalement rencontré en République Démocratique du Congo et les pays limitrophes, les autorités médicales internationales (notamment l’OMS et le CDC Afrique) et nationales (françaises notamment) restent vigilantes quant à la possible extension mondiale de ce variant. La découverte récente en Suède et en Thaïlande de 2 cas de personnes de retour d’un pays africain, porteuses du MPXV de clade Ib, suggère la prudence. Rappelons qu’aucun cas de Mpox de clade Ib n’a été signalé en France à ce jour (27 août 2024).
Toutefois, le point majeur à souligner ici est plutôt le besoin patent et urgent des pays africains touchés par cette épidémie. L’OMS exhorte les pays du Nord qui disposent de ressources importantes, à remédier d’urgence à ce déficit afin de permettre un accès équitable aux diagnostics, traitements et vaccins dans toute la mesure du possible et de toute urgence. L’OMS estime qu’une première réponse nécessiterait 15 millions de dollars américains et a déjà débloqué un montant initial de 1,5 million de dollars américains provenant de son Fonds de réserve pour les situations d’urgence. De même, le CDC Afrique estime que 10 millions de vaccins seront nécessaires pour arrêter cette épidémie. A la demande de l’OMS, les Etats-Unis (50 000 doses), l’Union Européenne (100 000 doses), la France (100 000 d) et l'Espagne (500 000 d) vont livrer des vaccins à l’Afrique. Le gouvernement japonais se dit prêt à livrer 3,5 millions de doses de son vaccin LC16m8 à la République Démocratique du Congo, qui concentre la majorité des cas. Enfin, la firme danoise Bavarian Nordic a annoncé avoir la capacité de produire 2 millions de doses de son vaccin en 2024 et 10 millions supplémentaires en 2025.
Toutefois, les pays africains qui attendent ces vaccins ne les ont pas encore reçus car l’OMS n’a pas encore déterminé si ils sont sûrs et efficaces. Avant de donner son feu vert, l'OMS veut évaluer les données supplémentaires qu’elle a reçues des fabricants de vaccins, d'où le retard dans les envois de vaccins. Les chercheurs et médecins africains déplorent que les organismes de santé publique n’aient pas fourni de vaccins et d’autres ressources dès que l’épidémie de clade I a été identifiée, en particulier compte tenu des leçons tirées de l’épidémie mondiale de Mpox de 2022. « L’occasion s’est présentée il y a quelques mois de couper cette chaîne de transmission, mais les ressources n’étaient pas disponibles », explique le Dr. Liesenborghs, spécialiste des maladies infectieuses à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers. « Il sera désormais plus difficile de s’attaquer à cette épidémie, et la population à risque est beaucoup plus large aujourd'hui ».
Recommandations vaccinales contre le virus mpox (source: Inserm, service de presse)
Face à l’apparition d’un nouveau clade du virus MPXV, la Haute Autorité de santé (HAS) a émis de nouvelles recommandations vaccinales, ciblant principalement la prévention de l’émergence de ce clade en France et la réduction de la circulation de la souche actuelle. Les recommandations s’adressent en particulier aux personnes les plus à risques, notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les personnes trans, les travailleurs du sexe, et les professionnels de lieux de consommation sexuelle, ainsi qu’à ceux ayant eu un contact à risque, ou immunodéprimés, en contact étroit avec une personne à risque. La HAS préconise une dose de rappel pour ceux vaccinés en 2022 face aux incertitudes sur la durée de protection offerte par le vaccin. Cette mesure intervient dans un contexte où, malgré plus de 150 000 vaccinations effectuées depuis l’épidémie mondiale de 2022, l’inquiétude persiste quant à la transmission du virus, notamment du nouveau clade Ib, qui, comme le clade II précédemment dominant, se transmet principalement par voie sexuelle.
A suivre...
Date de dernière mise à jour : 03/09/2024
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