Les dents de Neanderthal

Les indiscrétions du tartre dentaire révèlent le baiser entre Neanderthal et l’homme moderne

 

Dans un article paru le 8 Mars 2017 dans la revue Nature (voir ici), un consortium international (Australie, Allemagne, Afrique du Sud, Royaume Uni, Belgique, Autriche, Espagne, Italie, Pologne, Suisse, Canada) coordonné par Laura Weyrich et Alan Cooper du Centre Australien d’études de l’ADN ancien, Université d’Adelaïde, vient de montrer que l’analyse génétique du tartre dentaire de cinq individus Neanderthaliens révèle des informations importantes sur leur comportement, leur régime alimentaire et leur maladies.

 

L’analyse des fossiles Européens suggère que l’homme de Neanderthal a vécu il y a entre 450 000 et 30 000 ans, période probable de son extinction. Il s’était répandu principalement en Europe et dans l’ouest asiatique (Eurasie). Les analyses génétiques suggèrent qu’il pourrait y avoir eu des “croisements” entre les Neanderthaliens et les ancètres de l’homme moderne. De fait, 1 à 4% de notre génome seraient dérivé des Neanderthaliens.

L’analyse du tartre dentaire des Neanderthaliens représente une formidable opportunité d’en savoir plus sur leur alimentation, leur comportement et leurs maladies. Le tartre dentaire se forme à partir de la plaque dentaire qui sous l’influence du calcium contenu dans la salive se calcifie dans des conditions d’hygiène insuffisante. En se formant, la plaque dentaire et donc le tartre dentaire emprisonnent bactéries et restes de repas dont l’analyse génétique permettra de renseigner sur les habitudes alimentaires et l’état de santé de l’individu. Par chance, les Neanderthaliens ne se brossaient pas les dents de façon régulière.

 

Dans ce travail, les auteurs se sont intéressés aux dents de cinq Neanderthaliens (qui vivaient il y a environ 50 000 ans), dont deux issus de la grotte de El Sidron en Espagne, deux de la grotte de Spy en Belgique et un de la grotte de Breuil en Italie. Après avoir extrait l’ADN emprisonné dans le tartre dentaire, ils l’ont comparé à l’ADN obtenu sur du tartre dentaire de chimpanzee, d’un homme moderne, de plusieurs “anciens” humains, ainsi qu’à l’ensemble des séquencesc génomiques connues sur les espèces vivantes, bactéries, archées, virus et eukaryotes (plantes et animaux). Les résultats exploitables sur trois des Neanderthaliens analysés (El Sidron 1 et 2 et Spy II) ont montré que le matériel biologique piègé dans leur tartre dentaire provenait de bactéries (93,7%), d’archées (5,91%), d’organismes eukaryotes (0,27%) et de virus identifiable (0,06%). Ces données sont proches de celles obtenues sur l’homme moderne ou “ancien”.

 

  • Les six groupes dominants de bactéries trouvées dans la bouche de l’homme moderne (Actinobacteria, Firmicutes, Bacteroidetes, Fusobacteria, Proteobacteria, et Spirochaetes) ont été aussi retrouvés et étaient dominants dans chacun des spécimens des Neanderthaliens, avec en moyenne 222 espèces différentes de bactéries par individu.

 

  • Le Neanderthalien SpyII (Belgique) se nourrissait apparemment de rhinocéros laineux, de moutons et de champignons. Au contraire, les Neanderthaliens de El Sidron consommaient apparemment peu (ou pas) de viande et leur nourriture était plutôt basée sur les champignons, pignons de pin, mousses, et autres végétaux notamment peuplier et herbacées. Manifestement et comme attendu, les Neanderthaliens vivant en Europe avaient de diètes alimentaires très différentes et basées sur leur environnement local.

 

  • Le Neanderthalien “El Sidron 1” était porteur d’un abcès dentaire. Or, c’est le seul individu dont le tartre dentaire contenait des séquences génomiques de peuplier qui produit de l’acide acetylsalicylique (aspirine) et de moisissures d’herbacés qui produisent de la penicilline. De plus, cet individu était porteur de séquences génomiques de microsporidies (Enterocytozoon bieneusi, un champignon parasite du règne des Fungi), un pathogène qui cause des diarrhées. Une médication aurait-elle été mise en place intentionnellement chez cet individu ?

 

  • Un autre élément très intéressant de ce travail est la découverte dans le tartre dentaire des Neanderthaliens de séquences génomiques de l’archée Methanobrevibacter oralis, une archée présente également dans le tartre dentaire de l’homme moderne. La comparaison des génomes de M. oralis de Neanderthal et de M. oralis de l’homme moderne suggère que la date de divergence de ces deux archées (c’est à dire la date à laquelle les deux espèces d’archées se sont séparées) se situe il y a environs 112 000 à 143 000 ans, c’est à dire longtemps après la divergence entre Neanderthal et l’homme moderne (il y a plus de 450 000 ans). Serait-il possible que ce microorganisme ait été “échangé” entre les Neanderthaliens et les hommes modernes par le biais de “relations” plus ou moins intimes, comme des baisers ou des partages de nourriture, dans le Nord Est de l’Europe ?

Nous ne le savons pas encore mais la présence de 1 à 4% du génome Neanderthalien dans notre propre génome pourrait en être la conséquence…

Voir aussi sur ce blog: Art Neanderthalien ?

 

A suivre.

Date de dernière mise à jour : 27/02/2018

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