Mitalipov: les premières critiques

Plusieurs critiques commencent à arriver sur le travail de l’équipe de Mitalipov décrit dans une nouvelle récenteCRISPR/Cas9 et embryons humains.

Que s'est-il réellement passé au niveau de l'ADN dans les embryons soumis à CRISPR/Cas9 ?

Dieter Egli1, Michael V. Zuccaro2, Michal Kosicki3, George M. Church4, Allan Bradley3, and Maria Jasin 5.

1Department of Obstetrics and Gynecology and Department of Pediatrics, Columbia University, New York NY 10032, USA; 2Graduate Program, Department of Physiology and Cellular Biophysics, Columbia University, New York NY 10032, USA; 3Wellcome Trust Sanger Institute, Hinxton, Cambridge, CB10 1SA, United Kingdom; 4Department of Genetics, Harvard Medical School, 77 Avenue Louis Pasteur, Boston, Massachusetts 02115, USA, 5Developmental Biology Program, Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New York, NY, 10065, USA

Paul Knoepfler.

Department of Cell Biology and Human Anatomy, UC Davis School of Medicine, Sacramento CA, USA

La question majeure posée est la suivante 

  • Est-il possible que la correction de l’allèle muté dans le locus MYBPC3 paternel générée par CRISPR/Cas9 ait pu se faire par recombinaison inter-homologue avec le locus MYBPC3 maternel utilisé comme matrice de réparation ?

Serait-ce une possibilité unique de la situation dans le zygote humain (embryon au stade une cellule) ?

Si c’est réellement le cas, il s’agit là d’une importante et unique découverte.

Mais…

Les chercheurs cités ci-dessus pensent que ce phénomène est hautement improbable sinon impossible du fait du contexte spacial et de la dynamique des chromosomes dans l’embryon à ce stade précoce de développement (au stade une cellule ; zygote).

Et voici pourquoi.

Dans cette “dance” des chromosomes (comme le dit Paul Knoepfler) qui se déroule au cours de la première phase du développement de l’embryon à une cellule, les chromosomes male et femelle sont localisés dans des pronoyaux différents et, de plus, sont beaucoup trop éloignés spacialement les uns des autres pour établir un contact suffisamment étroit et indispensable pour une réparation de l’ADN par recombinaison inter-homologue. Des interactions directes entre les génomes maternel et paternel ne semblent possibles que lorsque l’embryon passe au stade-deux cellules, les génomes parentaux étant alors réunis dans le même noyau.

Egli et al. indiquent que ce type de recombinaison, s’il a réellement existé, pourrait être mis en évidence de façon rigoureuse par séquençage de l’ADN dans la région du site de la mutation dans le locus MYBPC3 en ciblant des SNP* (mutations) qui différencieraient l’allèle maternel de l’allèle paternel. Mais cela n’a pas été fait.

*SNP (en Anglais “single nucleotide polymorphism): signifie en Français un “polymorphisme d’un seul nucléotide”. De telles mutations sont extrêmement fréquentes, plusieurs millions dans le génome humain et sont évidemment différentes d’un individu à l’autre.

Egli et al. proposent d’autres scénarii, pour expliquer les résultats de Mitalipov :

  • Possibilité que les analyses génomiques réalisées au voisinage de la mutation sur le gène MYBPC3 paternel ait été effectuées sur une région trop réduite. En fait, le fragment amplifié, dont la première amorce se situe à 200 pb de la cassure générée par Cas9 est de 543 pb. Cette longueur serait insuffisante dans le cas où des délétions introduites par CRISPR/Cas9 seraient largement supérieures à 200pb. Celà serait alors suffisant pour éliminer le site de l’amorce sur l’allèle muté et ainsi l’amplification ne porterait que sur l’allèle normal (maternel) laissant penser que la correction a été effectuée sur l’allèle paternel.
  • Parthénogénèse. Il s’agit d’un mode de reproduction asexuée dans lequel l’embryon se développe à partir de l’ovule non fécondé. Le zygote contient alors deux génomes maternels. La présence du génome paternel a été vérifiée par analyse de cytogénétique dans certaines des lignées cellulaires issues d’embryons générés par Mitalipov. Mais PAS DANS TOUS LES CAS. Montrer la présence du génome paternel dans TOUS les embryons générés dans ce travail permettrait d’évaluer la fréquence de ce processus de parthénogénèse, si il est vraiment intervenu.

Voici la réponse de Mitalipov à ces critiques

  • Nous sommes tout à fait ouverts aux critiques et questionnement sur notre travail publié dans Nature. Nos recherches mettent en évidence un mécanisme nouveau de réparation de l’ADN dans les embryons humains et une méthode permettant d’éviter le mosaïcisme.

 

  • Nous reconnaissons que ces résultats doivent être confirmés par des études supplémentaires, les vérifications indépendantes de toute découverte constituant un pilier essentiel de la démarche scientifique. Nous encourageons les chercheurs à reproduire nos études à partir des embryons qu’ils auront eux-même générés et à publier leurs résultats.

 

  • Nous restons sur nos positions quant au fait que les embryons humains sont capables d’un mode de réparation de l'ADN adapté aux risques que représentent les mutations par utilisation d’une copie normale du gène de l’autre parent comme matrice. Cette découverte et nos conclusions sont basées sur une approche expérimentale minutieuse portant sur des centaines d’embryons.

 

  • Les critiques de Egli et al., n’offrent pas de résultats nouveaux mais proposent plutôt des explications alternatives à nos résultats, basées sur de pures spéculations. Nous allons répondre à leurs critiques point par point dans un prochain article scientifique d’ici quelques semaines.

 

A suivre donc…

 

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Date de dernière mise à jour : 12/11/2017

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