Magnétosomes, magnétite et champs magnétiques

La magnétite est un minerais constitué d'un réseau de complexes d’oxydes de fer (FeO-Fe2O3 ou Fe3O4). Ces complexes cristallisent et acquièrent des propriétés ferrimagnétiques. Connue depuis l’antiquité, la magnétite était supposée d’origine purement minérale. Cependant, on sait maintenant que des cristaux de magnétite sont présents dans de nombreuses espèces vivantes : bactéries, mollusques, arthropodes, etc. Au cours de l’évolution, ces espèces ont développé la capacité de capter le fer présent dans leur environnement et de le convertir en magnétite (on parle alors de biomagnétite ou de magnétite biogénique).

Les bactéries magnétotactiques (MTB) sont des bactéries capables de se déplacer en suivant un champ magnétique, le champ magnétique terrestre notamment. En fait ce qui les rend sensibles à ces champs magnétiques ce sont les magnétosomes, aussi appelés aimants biologiques.

 

Magnetosome

  

Image en microscopie électronique d'une bactérie magnétotactique

a. La chaîne de magnétosomes (flèche) produit un moment dipolaire magnétique qui permet

à la cellule de s'orienter dans les champs magnétiques ambiants. N et S représentent les pôles nord et sud de ce dipôle magnétique.  

b. Différentes morphologies de magnétosomes retrouvés dans diverses bactéries magnétotactiques

(Source: Jogler & Schüler, Annu. Rev. Microbiol. 2009. 63:501–21)

 

Les magnétosomes sont de petites organelles dotées d’une membrane dans lesquelles s'accumulent des cristaux de magnétite.  Des études récentes sur ces bactéries suggèrent qu’une trentaine de gènes au moins est impliquée dans ce processus. 

Magn cerv hum

Image en microscopie électronique d'un cristal de magnétite isolé de cerveau humain

(Source: Kirschvink et al. PNAS 89: 7683-87, 1992)

 

Les bactéries synthétisent la magnétite à partir du fer qu'elles trouvent dans leur environnement. On sait que non seulement des bactéries, mais aussi des poissons, des oiseaux et d'autres espèces comme les chauve-souris savent accumuler le fer présent sous forme de sel dans leur environnement et le convertir en magnétite. Et c'est précisément grâce à la magnétite présente dans les magnétosomes de leur cerveau que ces animaux sont capables de s’orienter et de se repérer dans l'espace.

Un des questions importantes qui se posent à l’heure actuelle est de savoir par quel mécanisme ces particules magnétiques pourraient convertir les champs magnétiques en signal exploitable par le système nerveux central. Pour le moment on ne sait rien de précis. Une des hypothèses les plus vraisemblables est basée sur le fait que, premièrement les microcristaux de magnétite peuvent s’orienter très rapidement dans les micro champs magnétiques auxquels ils sont exposés et, deuxièmement, qu’ils sont situés sur la membrane des neurones ou dans son voisinage immédiat et donc pourraient influencer l’ouverture des canaux ioniques. 

Magnetosomes neurone champ mag

Modèle théorique d'une interaction entre un magnétosome et un canal ionique (ici calcique)

Le magnétosome est représenté par le rectangle gris foncé et est lié au canal ionique par un filament cytosquelletique.

Dans un champ magnétique, son mouvement pourrait entraîner l'ouverture (ou la fermeture) du canal calcique.

(Source: Kirschvink, Walker and Diebel, Current Opinion in Neurobiology 2001, 11:462–467) 

 

Or c’est précisément grâce au fonctionnement de ces canaux ioniques que s’effectue la transmission de l’influx nerveux. Il est donc tout à fait possible que les mouvements des microcristaux de magnétite permettent l’ouverture et/ou la fermeture de ces canaux en réponse aux champs magnétiques auxquels l’organisme est exposé. En d’autres termes, les microcristaux de magnétite permettraient aux neurones d'exploiter des informations par une voie autre que la voie classique qui fait intervenir des micros courants électriques via les synapses. Un travail récent (Winklhofer & Kirschvink, J Royal Soc Interface 2010) conforte ces hypothèses.

 

De la magnétite dans le cerveau humain: pour quoi faire ?

En dépit des nombreuses études théoriques et expérimentales entreprises dans le but de modéliser les réseaux neuronaux, l’origine des fonctions cérébrales cognitives et de la mémoire demeure inconnue. Récemment il a été proposé qu’en plus des signaux chimiques et électriques, les cellules du néocortex pourraient communiquer par des signaux magnétiques qu’ils seraient capables de générer. Cette communication constituerait la base de la mémoire à court terme. La magnétite présente dans le cerveau pourrait être l’un des composants mécanistiques conservé durant l’évolution des espèces pour détecter et transduire les champs magnétiques générés dans le néocortex cérébral. Il est possible que les nanoparticules de magnétite distribuées dans les membranes des neurones et des cellules gliales jouent un rôle dans la perception, la transduction et le stockage des informations qui arrivent dans le néocortex. 

Pour plus de détails, voir l’article suivant :

M A Martínez Banaclocha, I Bókkon, H Martínez Banaclocha. Long-term memory in brain magnetite. Medical Hypotheses 74 (2010) 254–257.

 

C'est sur ce type d'étude qu'est basé mon roman "Les Voix des Autres".  

 

BIBLIOGRAPHIE (pour ceux d'entre vous qui sont intéressés)

 

 

Date de dernière mise à jour : 10/04/2017

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